Revenu de l'entracte, notre blagueur préféré avait changé de veste. Il avait troqué la queue de pie contre une veste en velour couleur rouge pinard. Au vu du titre du prochain morceau, ça en laissait augurer de bonnes. En effet, c'est en faisant venir sur scène un plateau sur lequel était posé quelques verres et une bouteille de champagne que le chef d'orchestre a introduit la Polka Champagne. Il nous a alors raconté sa vie, en disant que depuis 34 ans qu'il débouche une bouteille à chaque fois qu'il joue ce morceau, il ne s'est jamais raté. A part une fois au Japon, où les bouchons avaient été collés. Des petits comiques ces japonais. C'est donc au "chpop" du bouchon que l'orchestre c'est lancé. Sur cette deuxième partie, plus encore que pendant la première, le chef d'orchestre a joué de l'orchestre. Y'en a c'est le violon, d'autre la trompette, lui c'est de l'orchestre. Comme un gamin, à chaque fois qu'il pointait vers le dernier rang, un bruit de bouteille qui se débouche se faisait entendre. Et comme un gamin, il regardait le public, tendait l'oreille, puis le doigt, et "chpop". Et ça le faisait marrer. Un gamin vous dis-je. Il a alors servi un verre à son premier violon, à son premier violoncelle, à un mec du public, avant de refiler la bouteille aux pochtrons des gros tambours. Le tout pendant que l'orchestre jouait, et sans oublier de donner la direction à l'orchestre.Puis est venu la marche Egyptienne. Là, on a senti qu'il kiffait. Et il nous a pas loupé. Il nous a demandé de chanter. Imaginez une salle de 1950 personnes, sur 4 niveaux. Déjà qu'il s'amusait avec un orchestre, imaginez ce qu'il peut faire avec une salle. Il a d'abord demandé à l'orchestre de nous montrer ce qu'il fallait chanter. Wow, pas simple le truc. Après avoir fait chanter les differentes parties de la salle, en commentant de blagues et en se foutant royalement de notre poire, il a lancé le morceau. Le morceau lancé, il a pris un truc posé devant son estrade (donc caché du public): des Fez. Dont il a coiffé son premier violon, qui décidément en a pris plein la figure toute la soirée, et quelques autres musiciens. Et au moment adequat, il a fait chanter le public. Génial.
Arrive le moment de la Pizzicato Polka. Pizzicato, c'est le terme designant la technique de pincement des cordes d'un instrument à corde, plutôt que d'utiliser un archet. Ce morceau necessite une grand coordination de la part des musiciens, qui doivent tous pincer les cordes en même temps. C'est déjà pas simple à la base, mais quand le chef d'orchestre lache sa baguette pour diriger le tout avec SON violon, ça devient trèèès fun. Puisqu'il devient alors non seulement chef d'orchestre, mais également 1er violon. Ce qui lui donne l'occasion de faire bisquer encore plus son premier violon. Le morceau a la particularité de comporter de nombreuses pauses. L'orchestre doit donc redemarrer au signe du chef d'orchestre. Et quand celui-ci a un violon dans les mains, celà veux dire que TOUT le monde doit pincer sa corde au moment exact ou le chef pince la sienne. Et si le chef ne respecte plus la mesure, et au moment des duos avec son premier violon, la regarde droit dans les yeux pour la déconcentrer et qu'elle rate le départ, c'est plus de la musique, c'est carrément du comique de scène. Après nous avoir refait chanter sur un autre morceau, et utilisé des bruitages bien particuliers pour imiter au choix des bouteilles qui se debouchent ou des gens bourrés (je suis pas sur que ces instruments fassent vraiment parti de la partition de Strauss), joué avec son orchestre ) le faire lever et s'assoir juste pour le fun en nous regardant et montrant que c'est lui le maitre, que quand il lève l'index droit ça fait lever les altos, et l'auriculaire gauche ça fait lever les cuivres, est arrivé le grand moment du Beau Danube Bleu. Sublimement interprété, les musiciens ont tiré pendant le final des tubes en cartons d'où ont jailli des serpentins et confetis.
Après le rappel, il nous a encore gratifié de 2 morceaux supplémentaires.
Et ce fût malheureusement fini.
J'ai donc passé presque 3 heures à avoir des frissons dans le dos, les larmes aux yeux, mal aux abdos de rigoler, et à en prendre plein les oreilles. Vraiment fantastique.